Est-ce bien toi, ma belle rescapée
D’un passé qui ne fait pas de cadeaux,
Assisse dans ce coin perdu, happée
Par les regards baladeurs des badauds ?
Je te retrouve après des années,
Au fil d’une promenade, sur un banc ;
Une rose en train de se faner,
Lasse de nager à contre-courant.
Je te vois pensive, l’esprit bien loin,
Coincé dans les interstices du temps,
Les bras croisés sur un regard éteint,
Le dos voûté sur un cœur palpitant.
Je crois m’entrevoir à travers ton spleen,
Toi qui, ado, alimentait mes rêves,
L’œil fatal, la démarche féline,
Telle une liane gorgée de sève.
Permets-moi, si tu n’attends personne,
D’ajouter ma langueur à la tienne,
Mon passé au tien dont l’écho résonne
Dans mes joies présentes et mes peines.
Viens brûler avec moi au feu très doux
Des tendres souvenirs qui se bousculent
Dans ma tête, au point de rendre fou
L’adulte encore épris qu’ils acculent.
Daigne ouvrir, même s’il se fait tard,
Ce cœur jamais aimé à sa mesure,
Qui continue de battre sans espoir
De voir se cicatriser ses blessures.
Peut-être qu’en recourant au partage
Du poids des souvenirs qui s’accumulent,
Nous parviendrons à tourner la page
Et écrire un nouveau préambule.